En mai fait ce qu’il te plaît, en juillet tu vas morfler. Ou pas. L’été dernier, j’ai passé une grande partie de mes vacances à la plage et j’ai maté la gente féminine. J’ai ratissé au peigne fin des kilomètres de peau, déployé ma vision panoramique sur toute l’étendue de la zone aquatique, dévisagé discretos des centaines de femmes et le verdict fut sans appel: la plupart d’entre elles n’avaient strictement rien à voir avec les égéries du matraquage intensif anti-imperfections dont on est victime dès que l’été pointe le bout de son nez. J’ai surtout vu des milliers de vergetures à commencer par les miennes, des hanches charnues, des cui-cuisses dodus, des bidons rondouillets et des mollets potelets. Des seins fermes et tendus, je n’en ai pas beaucoup vu. J’ai plutôt assisté à un florilège haut en diversité de papayes mûres, de pamplemousses juteuses et de piqûres de moustiques. J’étais heureuse d’être entourée de toutes ses vraies femmes de la vraie vie, de ces corps avec leurs plis, leurs capitons, leurs aspérités. En regardant ses femmes déambuler nonchalamment sur le sable et arborer ces marques qui racontent leur histoire, je me suis sentie bête…
Pour cause, je ne suis pas du tout sportive mais j’ai quand même passé trois mois fastidieux à subir le Top Body Challenge. Le hashtag de ce programme de sport dédié à obtenir un corps de rêve et le fameux slogan culpabilisateur «régime de l’été» scandé partout et par tout le monde ont eu raison de moi. Les filles ayant selon elles atteint leur objectif affichaient des photos de l’évolution spectaculaire de leur enveloppe charnelle. Face au succès fulgurant du TBC, un véritable marché noir s’est développé autour de cet objet de toutes les convoitises dans les profondeurs obscures et occultes d’internet. Par le biais d’une amie infiltrée dans le réseau, j’ai réussi à me procurer au black le saint Graal. Bon, elle me l’a donné gratuitement par mail.
La rage au ventre, j’ai investi les magasins de sport de la ville. J’ai dépensé mon pécule dans les accessoires de fitness en tout genre. J’avais la niaque! Avant chaque séance, en face du miroir, tel Rocky Balboa dans ses vieux jours, je donnais des coups de points dans le vent pour me galvaniser. Tristesse. Dans le programme, il était clairement stipulé qu’il fallait également faire un régime. J’ai donc totalement changé mes habitudes alimentaires. J’ai téléchargé moult recettes de régime, je ne me faisais plus vraiment plaisir et j’avais parfois très faim. Je jalousais mon mari qui mangeait des burgers dans l’allégresse ainsi que mon chat grassouillet qui se délectait de sa pâtée au canard à la manière des gens heureux.
Je n’ai pas vraiment suivi le programme à la lettre mais j’ai quand même remarqué quelques changement ce qui est tout à fait normal quand on a une quelconque activité physique. J’étais devenue un peu plus tonique et j’avais maigri. J’ai donc acheté un nouveau maillot de bain qui correspondait à ma nouvelle silhouette de l’été. Je pouvais lézarder fièrement sur la plage et afficher mon summer body sans culpabiliser. Challenge réussi. Ou pas.
Quelques jours après le début de mes vacances dans le sud, j’ai cédé au chant très envoûtant des sirènes de l’apéro en veux-tu en voilà, des churros à bouche-que-veux-tu, du grignotage intempestif, des glaces à l’italienne et des restos à gogo. Pour déculpabiliser, je me revois entrain de faire des squats sans queue ni tête au bord de la piscine sous l’œil interloqué de ma belle-sœur. Au bout de quelques jours, mon régime drastique est tombé à l’eau. Il a emporté avec lui dans les abysses de la résiliation, mes rêves de corps sveltes, d’abdos saillants et de fessier gainé. Foutu pour foutu, je n’ai plus jamais quitté la vendeuse de beignets.
Pour tout vous dire, mater sur la plage m’a fait du bien. Je me suis libérée de cette injonction de performance esthétique blessante voire flippante qui voudrait que nous soyons tous des clones minces et musclés. J’ai surtout pu constater par moi-même que le modèle dominant qui est diffusé en masse n’est pas du tout représentatif du corps de la femme française lambda. Je ne me suis guère plus souciée de la cascade de donuts que faisait mon ventre quand je m’asseyais ou de mon fessier qui bloblotait quand je marchais. J’étais très fière de toute cette onctuosité qui d’ailleurs émoustille celui qui partage ma vie. J’ai voulu perdre des kilos en trop qui n’existaient que dans mon esprit conditionné et manipulé par les garde-fous de sa majesté le culte de la minceur.
Si toutefois, il me venait subitement à l’idée de faire du sport et d’adopter de façon constante une alimentation équilibrée, (j’ai vraiment dis ça ?) ce sera pour améliorer mon hygiène de vie et pas simplement le temps d’un été sur la plage abandonnée, coquillages et crustacés. De plus, ses régimes éphémères barbares qu’on s’afflige ont des conséquences désastreuses sur notre métabolisme. A quoi bon s’obstiner? Il y’a des traditions qui méritent qu’on les perpétue comme une bonne raclette bien riche en hiver et d’autres qui en valent moins la peine. L’uniformisation édulcorée, aseptisée et malsaine de l’image qui engendre la détestation de soi n’a franchement pas grand intérêt et ne sert qu’à des fins mercantiles.
Avec l’émergence de mouvements comme le Body positive, beaucoup de personnes commencent à prendre conscience qu’elles seules ont le dernier mot sur leur apparence et que la quintessence de l’identité de chaque être se trouve dans la singularité de celui-ci. (C’est beau.)
Alors, cet été, la quête obsédante du summer body se fera sans moi. Je vais me dorer la pilule et bikiner*, à l’ombre de mon food-truck de granités préféré.
Bikiner* : bouquiner en bikini 😉
Jupe et bustier: mangooutlet.com
Shoes en cuir: zara.com
Bracelet: Les Georgettes, acheté à la bijouterie A La Confiance. Les couleurs et motifs des bijoux sont interchangeables et réversibles.
Bague: Parfois
Boucle d’oreilles: Monoprix
J’ai également écrit un article sur la dictature de l’épilation! Vous pouvez le lire ici
A bientôt 😉 !
Très bon billet, très bien écrit, très drôle, bravo
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Merci !
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Vous êtes sublime comme vous êtes, surtout, ne changez rien!
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Merci :)!
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